Au Bangladesh, une exécution sous tension

Au Bangladesh, une exécution sous tension

C'est une exécution qui pourrait raviver les tensions à Dacca, la capitale bangladaise où des meurtres d'étrangers, de blogueurs, de laïcs et d'intellectuels ont été commis ces derniers mois. Dans la nuit de mardi à mercredi, Motiur Rahman Nizami, le chef du grand parti islamiste bangladais Jamaat-e-Islami, a été pendu à la prison centrale de Dacca. Agé de 73 ans, il avait été condamné en octobre 2014 pour des crimes de guerre et des actes de génocide commis durant la tragique guerre d'indépendance en 1971. La Cour suprême avait rejeté son appel de la sentence. Et Nizami n'avait pas demandé de grâce présidentielle pour commuer sa peine capitale en prison à vie. Son corps a été transféré et enterré ce mercredi matin au cimetière familial de son village natal, dans le district de Pabna (centre-ouest du pays).

Motiur Rahman Nizami avait été poursuivi pour son rôle très actif durant la guerre de 1971. Il dirigeait alors le groupe Al-Badr Bahini, une milice islamiste pro-pakistanaise opposée à l'indépendance. Il avait été reconnu coupable de viols, d'exécutions extrajudiciaires et de planification de meurtres de professeurs, d'intellectuels et de médecins. Lors du procès, l'accusation avait estimé que Nizami cherchait alors à «paralyser intellectuellement» le futur état ce pays en devenir.

Les autorités bangladaises avancent que les troupes pakistanaises aidées par les groupes paramilitaires des principaux partis islamistes de l’est, dont le Jamaat-e-islam, ont tué 3 millions de personnes, commis près de 200 000 viols et chassé près de 10 millions de personnes dans cette région qui s’appelait alors le Pakistan oriental. Mais des chercheurs indépendants avancent qu’entre 300 000 et 500 000 personnes auraient en fait trouvé la mort durant les neuf mois de la guerre d’indépendance.

Soupçons de partialité 
Depuis sa création en début 2010, le tribunal international des crimes du Bangladesh est entaché de partialité et d'irrégularités. Fondé par la Première ministre Sheikh Hasina en 2010, il est suspecté de poursuivre des buts politiques au nom de la justice pour les victimes. Nizami est le cinquième responsable de l'opposition à être exécuté depuis 2013. Trois autres leaders du Jamaat-e-Islam et un membre du parti nationaliste du Bangladesh de l'ex-première Ministre Khaleda Zia, la rivale honnie de Sheikh Hasina, ont été pendus au terme de procès critiqués par les organisations des droits de l'homme. Nommé chef du Jamaat-e-Islam en 2000, Nizam avait été ministre d'un gouvernement de Khaleda Zia soutenu par les islamistes entre 2001 et 2006.

Les précédentes exécutions avaient soulevé une vague de colère dans le pays et s'étaient soldées par la mort de 500 personnes il y a trois ans. Cette dernière pendaison risque de relancer les violences. Elle intervient à un moment où le Bangladesh fait face à une montée en puissance de la menace jihadiste de l'Etat islamique. Depuis plusieurs mois, des responsables humanitaires étrangers, des laïcs, deux militants homosexuels, un étudiant en droit opposé au fondamentalisme religieux, un professeur, etc. ont été pris pour cible et exécutés, certains à la machette.

Dans le même temps, du fait de la violente bataille politique entre Sheikh Hasina et Khaleda Zia, le pouvoir s'est durci. «L'environnement politique et l'espace démocratique se sont réduits ces dernières années, expliquait à Libération à l'automne dernier, Ali Riaz, expert de l'islamisme en Asie du Sud-Est, à l'université de l'Illinois aux Etats-Unis. Cela a indéniablement jeté des opposants dans les bras des radicaux.» Dacca rejetait alors l'implication de l'Etat islamique au Bangladesh. Sans convaincre.

News Courtesy:

https://www.liberation.fr/planete/2016/05/11/au-bangladesh-une-execution-sous-tension_1451811/

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